La bossa nova est une musique très séduisante mais j’ai souvent constaté que les gens à l’extérieur du Brésil ne savent pas vraiment la définir. Ils pensent la jouer avec accords un peu enrichis avec un rythme repiqué à l’oreille, mais ils arrivent plutôt d’après moi à une “impression de bossa nova” qu’à une bossa authentique.
En effet, la bossa est une musique brésilienne et raffinée, ce qui présente deux défis :
- le raffinement s’obtient par une attention aux détails à ajuster dans chaque mesure, qui s’additionnent au final pour créer un rendu très musical, mais ce sont autant de pièges qu’il faut savoir éviter
- l’origine brésilienne nécessite de s’intéresser à une culture différente de la nôtre et comprendre comment la musique est construite, et pourquoi. Il ne suffit pas d’être brésilien pour jouer cette musique, mais, lorsqu’on a grandi hors de ce milieu, le défi est plus grand
L’harmonie
Prenons un exemple simple avec une cadence ii-V-I en Do majeur. On peut jouer cette cadence :
- Ré mineur 7
- Sol 7
- Do majeur 7
Cela est correct d’un point de vue théorique et peut même être satisfaisant à l’oreille, dans le sens où ces accords dégagent une certaine chaleur.
Cela dit, il est très rare dans un disque de bossa nova authentique d’entendre ces accords tels quels. En effet, on aura tendance à jouer sur les extensions supérieures et jouer la 9ème, la 11ème et la 13ème, aboutissant à cette suite d’accords à la place :
- Ré mineur 9
- Sol 13
- Do majeur 9
La différence n’est pas flagrante (se référer à la vidéo ci-dessous pour écouter le résultat final) mais sur la durée d’un morceau voilà précisément le genre de détails qui produira un résultat plus raffiné et donc plus bossa nova.
Attention cela dit à ne pas ajouter des extensions systématiquement ! Premièrement car les extensions ne sont pas nécessairement compatibles entre elles selon la mesure. Et par ailleurs parce que ce n’est pas aussi simple que cela. En effet, certaines extensions peuvent par exemple rentrer en conflit avec la mélodie. C’est donc tout un sujet !
Le répertoire
Pour apprendre (entre autres) à manipuler les accords, une excellente école est de repiquer les morceaux originaux.
Quand je dis repiquer, dans mon cas je suis allé très loin en transcrivant par écrit grille d’accords et mélodie de tous les morceaux qui me plaisent depuis des années.

Ce n’est peut-être pas nécessaire, une chose est sûre, c’est que cela m’a aidé à éclaircir définitivement l’harmonie, la mélodie et le rythme de certaines mesures compliquées. C’est aussi un bon moyen d’apprendre les morceaux.
Attention pour cela à écouter principalement de la vraie bossa nova, donc avec des compositeurs comme Tom Jobim, João Gilberto, Roberto Menescal, João Donato, etc. (il y en a beaucoup d’autres). En effet c’est dans cette dernière que l’on trouve la forme la plus pure du style. Il peut y avoir des réalisations intéressantes plus tardivement, mais c’est plus dur pour une oreille non expérimentée de faire la différence.
Le rythme
Le rythme brésilien est un terrain miné pour quelqu’un qui vient de nos contrées, car nous avons une culture héritée de la musique classique qui tend globalement à accentuer les temps forts de la mesure, c’est-à-dire les temps 1 et 3.
Or la musique brésilienne est principalement sur les temps faibles, le 2 et le 4, ce qui lui donne cette sensation de légéreté irrésistible.
Cela dit, une musique qui serait uniquement sur certains temps n’a aucun sens. Dans la pratique, c’est bien évidemment un mélange qui est réalisé entre temps faibles et temps forts. Là réside toute la subtilité et la difficulté.
Cela s’apprend, cela dit. De nombreux musiciens étrangers y sont parvenu. Pour commencer on peut répéter par exemple les exercices que je montre dans la vidéo.